- août 25, 2016
- |Efficacité professionnelle
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Le CV de la pédégère (President & CEO, pour les puristes) de Yahoo! circule sur les réseaux sociaux depuis un mois. Marissa Mayer a fait tenir, sur une seule page, 17 ans de carrière. Et quelle carrière ! Entrée ingénieure chez Google en 1999, elle a accédé à la 1ère position chez Yahoo!, après avoir été la vice-présidente de Google Maps.
Je ne sais si elle fut une grande manageuse. Son entreprise a été rachetée pour 5 milliards de dollars cet été, alors que Microsoft lui avait fait une offre de rachat de 44 milliards en 2008. En revanche, ce que je sais, c’est que Marissa Mayer est une très grande communicante. Sa performance, faire tenir près de 20 ans d’une vie professionnelle réussie sur une seule page, m’a inspiré le commentaire suivant sur le réseau social Linkedin : “Le CV, c’est comme la confiture, moins on a d’expérience, plus on l’étale.” (je sais, vous m’avez connu plus inspiré…)
Commentaire qui m’a valu d’être contacté par une jeune diplômée pour que je lui fasse un retour sur son CV…
Comme si je n’en avais pas déjà assez à lire, analyser, corriger et valider dans ma journée de consultant en évolution professionnel ! Cela m’apprendra à me répandre sur les réseaux sociaux !
J’ai accepté car son audace m’a plu. Typique de ces digital native qui n’hésitent pas à interpeller leurs « aînés » sur les réseaux sociaux.
Donner un conseil CV à la cantonade serait une mauvaise idée. Dans un CV, s’entrecroisent parcours et projet d’une personne. Difficile de faire plus spécifique à chacun. Dès lors, le conseil CV ne peut être que personnalisé.
Tout juste peut on établir de grands principes. Grands principes que, étrangement, je ne retrouve pas souvent évoqués.
Quand le conseil CV est bien fait, l’on vous dit que votre CV doit être centré sur vous (candidat), rétrospectif et factuel. Et quand le conseil est vraiment bien fait, que si vous souhaitez faire jouer un rôle complémentaire à la lettre de motivation (LM), celle-ci doit être centrée sur le poste, projective et argumentative.
Ces principes sont justes. Retenez-les !
Cependant, dans cette vision des rôles respectifs du CV et de la LM, l’argumentation est réservée à la lettre de motivation.
Or, c’est dès le CV que vous devez chercher à argumenter. C’est à dire avoir la volonté de convaincre (en agissant sur la raison du destinataire) et persuader (en faisant appel à sa sensibilité).
Selon la définition très générale établie par Chaïm Perelman, philosophe et auteur d’un “Traité d’argumentation” qui n’a cessé d’être réédité depuis les années 50, l’argumentation est un discours qui est toujours produit en fonction d’un autre.
Que serait un CV qui ne serait pas écrit en fonction de celui qui le reçoit ? Le récapitulatif de votre vie professionnelle.
Croyez-vous vraiment que cela soit suffisant pour emporter l’adhésion du recruteur ?
Travailler plutôt à vous forger une image professionnelle dans votre CV, conforme à qui vous êtes, tout en étant en phase avec ce que recherche le recruteur à qui vous l’adressez.
Ce travail sur ces deux plans (vous, l’autre) vous aidera à mieux vous connaître et pourra même vous aider à vous forger, non seulement une image professionnelle, mais votre identité professionnelle.
Je pense à ce candidat qui m’a consulté car les recruteurs lui reprochaient le manque de cohérence dans son parcours, lui-même me soutenant avoir un parcours atypique.
Je lui propose alors de prendre chacune de ses expériences et de chercher à les définir en terme de fonction, secteur et/ou compétence principale. Fort de cette exercice, il parvient à dégager un fil conducteur dans son parcours professionnel, la gestion des risques sous toutes ses formes : risques achat, risque à la réputation, risque pays, risque client, etc. Il n’y a rien d’atypique dans son parcours, mais une multiplicité de formes dans l’exercice de son métier : gestion, conseil, analyse, ainsi qu’une diversité de statuts : salarié, free lance. Notre échange lui a même permis de se souvenir qu’il a obtenu une certification en Plan de Continuité d’Activité (PCA) qui constitue « un plus » évident pour ses candidatures aux postes qu’il vise dans la gestion globale des risques.
L’idée que le CV puisse être un invariant que l’on adresse quel que soit le recruteur a fait “pschitt” ! Chacun sait qu’il lui faut adapter son CV à chaque recruteur, utiliser son vocabulaire, hiérarchiser et sélectionner l’information que l’on y met en fonction de ses besoins à lui.
Cependant, j’ai le sentiment que l’on n’a pris la mesure de ce que cela signifie. La compréhension de ce qu’est une posture argumentative nous y aidera grandement.
J’ai dit, suivant en cela l’enseignement de Perelman, que argumenter se faisait toujours en fonction de son interlocuteur. Il nous faut donc nous centrer sur lui. Et nous décentrer quelque peu de nous pour nous demander quelles sont ses attentes. Il s’agit de vous mettre à sa place. Les anglais ont une magnifique métaphore pour exprimer cette idée : « If I put myself in your shoes… »
Qu’attendez-vous pour « vous mettre dans les chaussures des recruteurs » ?
Ah ! Vous ne savez pas ce qu’ils attendent de vous. Et si vous étiez, vous-même, recruteur ? Qu’attendriez-vous d’un CV ?
Allez, allez ! Imaginez-vous avec votre pile de 70 CV, à lire et à trier. Il vous faut faire trois piles : la pile des OUI, la pile des PEUT-ETRE, la pile des NON. Qu’est ce qui va vous amener à pousser un CV dans la pile des OUI, à vous dire : « Je veux recevoir cette personne en entretien » ?
Vous ne voyez toujours pas ?
Alors, je vais vous dire ce que moi j’attendrais si j’étais recruteur : de pouvoir me faire une idée en quelques secondes de la pertinence de la candidature que j’ai à l’écran.
Il y a des recruteurs provocateurs qui se vantent de ne jamais retourner un CV…
Je pense que vous voyez où je veux en venir : pourquoi vous évertuez vous à envoyer des CV qui font plus d’une page ?
L’exemple de la Number one de Yahoo! ne vous a pas convaincu ?
Certains m’objecteront : » Votre pédégère ! Sa notoriété lui permet un CV allégé ! »
Cette fois-ci, c’est à mon tour de ne pas être convaincu. Aujourd’hui, le numérique vous permet d’avoir des CV qui font autant de pages que vous le souhaitez ! Ces CV s’appellent Linkedin, Viadéo, DoYouBuzz et autres ! Ce sont soit des réseaux sociaux, soit des plates-formes de CV en ligne.
Alors pourquoi envoyer un format word ou pdf de plus d’une page ? Il suffit d’insérer un lien vers ces sites pour que le recruteur, si l’envie lui prend, d’en savoir infiniment plus sur vous, s’y rende d’un seul clic !
Au terme de cet article, je vous remercie de ne pas m’envoyer votre CV.
Juste, pensez au slogan du Bauhauss : less is more !
JC Heriche, le 24 août 2016
(A suivre)
PS : Un internaute m’apprend que ce n’est pas Marissa Mayer qui a fait ce CV mais une plate-forme de création de CV à partir des éléments de sa biographie. Son nom est Enhancv. La plate-forme récupère vos informations sur Linkedin ou autres réseaux sociaux et construit votre CV en une page. C’est très pratique et va dans le sens de mon article.