Alors que l’affaire Grégory resurgit d’un passé que les moins de 30 ans n’ont pas connu, et revient hanter programmes et journaux télévisés, il peut être intéressant de s’arrêter quelques instants sur sa signification.

(800 mots – 5 mn de lecture)

Le 16 octobre 1984, a lieu l’assassinat d’un enfant.

Commence l’affaire Gregory, une énigme qui va rendre fous ceux qui l’approchent de trop près : juges, policiers, gendarmes, journalistes, ainsi qu’une écrivaine célèbre qui écrira des ignominies sur la mère « sublime, forcément sublime » mais aussi « coupable, forcément coupable », dans le journal Libération. 

La France va se passionner pour l’affaire. Une partie des Français prendra parti pour la thèse du cousin jaloux (Bernard Laroche) et l’autre pour celle de la mère infanticide (Christine Villemin).

En 1993, celle-ci sera définitivement mise hors de cause par la justice française qui lui présentera ses excuses. Quant à Laroche, son assassinat par Jean-Marie Villemin, le père du petit Gregory, éteindra toute action judiciaire et fera de lui de facto un innocent.

Deux innocents pour un meurtre, cela en fait un de trop.

A moins qu’il faille chercher ailleurs.

Trente-trois ans plus tard, un logiciel (Anacrim) rend son verdict : il pourrait s’agir d’un complot familial dans lequel auraient trempé le grand oncle et la grande tante de Grégory, peut-être sa grand-mère et le déjà nommé Bernard Laroche.

Un complot familial

Cela vous semble tout droit sorti de quelque roman du 19ème siècle, non ?

Cela ne peut s’être produit que dans quelque lointaine province reculée de la France, vous dites-vous ? 

En êtes-vous si sûr ? 

On ne connaît pas (encore) le nom des assassins. Peut-être, ne les connaîtrons-nous jamais tant les protagonistes semblent soudés dans une omerta vosgienne qui n’a rien à envier à celle pratiquée en Corse.

Mais ce que l’on connait, c’est le mobile du crime. Les lettres du Corbeau, les enregistrements des appels téléphoniques ne laissent planer aucun doute là-dessus.

Ce qui a armé le bras du ou des tueurs, c’est l’envie. Envieux qu’il(s) étai(en)t de la réussite du « chef » comme sa famille avait surnommé Jean-Marie Villemin.

Et ça, l’envie ne connait ni frontière, ni époque. Elle est intemporelle, universelle

Il y a l’envie qui déchire les fratries lorsque l’un ne veut plus voir les autres parce qu’ils ont mieux réussi que lui. Enfin, le croit-il. 

L’envie qui est à l’œuvre entre collèguesQui les empêche de reconnaître les mérites des uns et des autres. Qui fait qu’un collègue ne viendra que rarement dire, spontanément, à un autre le bien qu’il a entendu dire de l’un de leurs clients. 

L’envie qui est à l’origine de la plupart des faits divers les plus sordides. 

René Girard parle du désir mimétique qui nous fait vouloir ce que le voisin possède. Il prévient : la violence qui en découle conduit l’humanité à sa perte. 

Or, l’envie, si je puis me permettre, est une passion française. Une mauvaise passion française.

En France, sous couvert de grands principes ou d’idées progressistes, on est facilement envieux de ce que possède l’autre, celui qui a réussi, celui qui gagne de l’argent.

Je me rappelle ce syndicaliste qui n’avait jamais de mots assez durs pour la Direction et qui, dès qu’il eut le poste de ses rêves, devint doux comme un agneau et retint ses troupes.

Je me rappelle l’un de mes grands-pères. Communiste, il haïssait mon autre grand-père, petit PDG, qui était à ses yeux un « bourgeois ». Mais dès qu’il fut plus à son aise, il fit comme lui, s’acheta une maison de campagne et, fut très fier d’avoir acquis un salon en merisier.

L’envie. Passion française. 

Je me demande si l’historien anglais Théodore Zeldin, qui a publié une Histoire des passions françaises en 5 volumes, en parle.

J’irai vérifier un jour.

Mais d’où peut bien provenir cette envie qui nous transforme en « hommes et femmes aux passions tristes » pour reprendre l’expression fameuse du philosophe Baruch Spinoza ? 

Le même Spinoza nous aide à en comprendre les mécanismes.

Nous poursuivons des rêves éveillés où l’argent, les honneurs, les plaisirs coulent à flot.

Que nous les atteignons ou pas, pour le « petit juif hollandais » comme le surnommait Voltaire, il s’agit là de faux biens.

Le vrai bien réside dans la connaissance, le savoir, un savoirfaire pratique qui nous arrachent à l’esclavage de l’ignorance et nous conduit tout droit à la liberté de l’âme, la puissance de penser et d’agir et à la Joie

Gardons-nous des faux biens.

Révérons le vrai bien.

Le bonheur est à ce prix.

Pour cela, renonçons au comparatisme que nous pratiquons allègrement entre nous  (« Il a ça et pas moi »), car il nous tue à petit feu.

L’envie a tué le petit Grégory.

Sa mort, aussi vaine et sinistre soit-elle, est là à jamais pour nous rappeler de ne jamais céder à ce mauvais penchant. 

JC Heriche, Saint-Laurent de Cerdans, le 23 juillet 2017

( A suivre aussi sur : Linkedin JC Heriche ; Twitter @Jheriche )

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